Place de l’Espigaou
Résumé
En abordant l’écriture de mon quatrième roman, « Place de l’Espigaou », j’avais une ambition forte : écrire un « polar marseillais » qui aille à contre-courant de ses glorieux devanciers.
Je voulais donc d’abord situer l’action côté beaux quartiers de la cité phocéenne en évitant les lieux glauques et dangereux, la pauvreté, la saleté, les policiers ripoux et les politiciens véreux car bien sûr ça existe mais il n’y a pas que ça à Marseille. Je voulais également écrire dans une langue aussi soignée que je pouvais en éliminant les « dégun », les « escagasser », les « esquichés » et autres vocables du « parler marseillais » que par ailleurs je possède mal. Je voulais ensuite plonger le lecteur dans l’atmosphère de la dolce vita à la marseillaise tout en lui faisant côtoyer des personnages originaux, forts, contrastés mais pas forcément « folkloriques » : une femme commissaire née en Italie, un inspecteur ‘’marseillais’’ d’origine ch’ti, un policier gringalet, des éboueurs ayant épousé des artistes, des hommes-objet, etc. Je voulais enfin qu’en lisant ce livre on se prenne à espérer, contrairement à l’habitude, que les enquêteurs ne découvrent surtout pas le coupable…
Et de fait, lorsque par un beau matin ensoleillé trois éboueurs trouvent, à la fin de leur tournée des bords de mer, un cadavre dans leur benne à ordures et que la commissaire Sofia Carabini et son adjoint Eric Van der Meulen démarrent leur enquête, on est loin de se douter que dans ce décor de rêve des âmes puissent être aussi tourmentées : une rousse flamboyante et prédatrice, des amants accro ou écœurés, des collègues séduits ou furieux, des amis inconditionnels ou vindicatifs, des voisins admiratifs ou haineux, bref, un sac d’embrouilles psychologiques bien difficiles à démêler.
Mais la question pour moi la plus importante était la suivante : ai-je réussi mon pari initial ? À ma grande surprise et à ma plus grande joie, des indices me permettent de répondre par l’affirmative : outre le fait que « Place de l’Espigaou » ait été finaliste du Grand Prix VSD 2010 (jury présidé par Yann Queffélec), ces indices, ce sont les réactions des lecteurs.
« On se croirait à côté des personnages, au bord de la Méditerranée, prêt à les aider dans leur tâche », dit un membre du jury VSD ; « J’espérais en lisant que la victime se soit suicidée », affirme un lecteur de la FNAC ; « Alain Seyfried est assez loin de l’image folklorique que l’on se fait au Café de Flore de l’auteur de « polar marseillais », juge Serge Scotto dans Le Mague ; « Alain Seyfried livre un polar qu’il qualifie lui-même de méditerranéen », renchérit Gaëtan Supertino de l’Hebdo ; « Bien écrit, tout simplement », ajoute de façon flatteuse tel autre membre du jury…
Ah, une dernière remarque : il y a tout de même un mot en provençal dans ce roman ; il est dans le titre.
Les lecteurs et la presse en parlent
A vrai dire, il existe autant de polars marseillais que d’auteurs de polars à Marseille : il est cependant notable qu’ils y sont légion, peut-être une cinquantaine en exercice, et pour beaucoup doués de ce verbe chevillé au corps qui est leur marque ! C’est une exception culturelle de cette ville étrange, terre de polar idéale…
Pour autant, à mon avis pas de « polar marseillais » que l’on puisse faire rentrer dans un bocal, comme les cornichons pour lesquels d’aucuns feraient volontiers passer ce beau cheptel d’auteurs… en se contentant souvent de les regarder d’en haut, plutôt que de se pencher sur leur livres. Même si écrire à Marseille n’est sans doute pas anodin, écrire quelque part n’étant certainement jamais anodin… Peut-être existe-t-il tout simplement des auteurs !
Alain Seyfried est assurément de ceux-là, assez loin de l’image folklorique que l’on se fait au Café de Flore de l’auteur de « polar marseillais ». C’est un vieux sage, mais aussi un beau vieux, c’est-à-dire qu’il fait jeune pour ses 63 ans, avec une barbe aléatoire poivre et sel, semble-t-il uniquement définie par son peu de souci de se raser. Alain est sorti d’HEC et fut dans une première vie Docteur en Gestion, tant il est vrai que du côté du Vieux-Port on ne passe pas forcément ses études à la pétanque ou à la belote. Passionné de littérature, il a traduit de l’italien 5 livres et déjà publié 3 romans : cette « Place de l’Espigaou » est son premier roman policier ! Une envie qui lui venait de loin, concrétisée finalement – et finement.
Maintenant que je vous ai démontré que l’homme était capable d’autre chose, il est temps d’en convenir : oui, « Place de l’Espigaou » est un polar marseillais pur jus ! Mais c’est d’abord un excellent polar ! Très marseillais, certes, puisqu’on commence par y croiser des figures locales réputées : nos éboueurs, célèbres dans le monde entier pour la puissance démoniaque de leurs grèves et nos montagnes de poubelles pestilentielles qui encombrent régulièrement tous les JT de la planète ! Aldo, Ahmed et André, surnommés « les 3 A », forment une fine équipe de collègues, qui, par un beau matin non débrayé, découvrent dans la benne de leur camion le cadavre d’une belle plante rousse. Un départ classique, pour un polar classique, c’est-à-dire qui ravira les amateurs ! Le lecteur mènera l’enquête aux côtés de la joliette commissaire Sofia Carabini, que tout sépare de son adjoint, le nordique et balourd Van Der Meulen, amoureux en secret de sa chef. C’est le portrait de Clivia, la morte, que l’auteur dessine sur leur traces : une prédatrice, qui avait englué toute une cohorte de braves gens, voisins, relations, clients, amants… L’une de ses marionnettes se serait-elle enfin vengée de la sublime salope ?
Au-delà de l’histoire, toute la force du roman est dans le style précis et la justesse de la narration : il y a Marseille à visiter, ses figures parfaitement représentatives, mais surtout la psychologie des personnages, parfaitement analysée et qui fait l’essentiel du récit… sans laisser pourtant le lecteur respirer ! Au rythme soutenu de courts chapitres, on vient à bout de cette agréable lecture sans s’en donner un instant la peine ! Ca se lit tout seul et c’est un bon polar pour tout un chacun qui en ait le goût, de Dunkerque à Pointe-à-Pitre.
Guide du routard « Marseille 2013 ville de la culture »
LIVRES DE ROUTE
Parmi 11 auteurs recommandés pour une lecture dans l’ambiance marseillaise (Pagnol, Giono, Izzo, Ph. Carrese, Serge Scotto, Jean Contrucci, etc.) on trouve :
Place de l’Espigaou (éd. Les Nouveaux Auteurs) d’Alain Seyfried. Les beaux quartiers de Marseille, sous les éclats de lumière de la grande bleue, cachent parfois de bien sombres desseins, notamment lorsque l’on retrouve un cadavre dans une benne à ordures, Place de l’Espigaou… Des ambiances marseillaises au service d’une intrigue bien ficelée.
Au-delà de l’histoire, toute la force du roman réside dans le style et la justesse de la narration : on visite Marseille, avec ses figures si représentatives, et on vient à bout de cette agréable lecture sans s’en apercevoir. Place de l’Espigaou a été finaliste du Grand Prix VSD du Polar, présidé par Yann Quéffélec.